• On s'habitue à tout. Je commence à m'habituer à habiter ici, à ne plus être personne, à discuter avec des gens que je ne connais pas.

    En même temps, des images que je n'ai pas invitées me surprennent de temps en temps et je ne peux pas les arrêter.

    Je ne suis pas d'ici, c'est clair. Mais je ne sais pas si je veux retourner d'où je viens.

    J'ai vu un homme sous un arbre. Je l'ai pris pour quelqu'un d'autre. J'ai eu un sursaut et ça m'a fait dévier de ma route.

    Mais avant, il y a eu quelque chose. Quelque chose au restaurant. Et je suis partie sans demander mon reste. Je suis partie mais je ne sais pas pourquoi, ni pour combien de temps, ni avec quelle intention.

    J'ai beau y penser et y repenser, ce sont les mêmes images qui reviennent. Je suis vidée.

    Ils ont arrêté leur musique de Mozart, mais Dr Folamour vient encore me lire des manchettes de journaux. Il sait que je l'entends, qu'il dit. Il voudrait bien que je revienne à la surface pour lui parler, qu'il dit. De vive voix, yeux dans les yeux, qu'il dit. Je crois qu'il essaie de me faire du charme. Il est mignon, mais ça ne marchera pas.

    J'ai trop peur de ce qui m'attend.


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  • J'aimais particulièrement le pâté chinois.

    Et la tarte au sirop d'érable. Ce sont les choses les plus simples qui sont les meilleures.

    C'est vrai que ce serait bon de goûter à nouveau.

    Et le vin... Rouge. On pourrait peut-être en mettre un litre ou deux dans mon sérum!...

    ...Et si j'avais bu? Si c'était ma faute tout ça? J'ai peut-être trinqué à... à... aux vacances? à la liberté? au bon débarras?

    L'homme sous l'arbre avait quelque chose à me dire. Il était au restaurant et je n'ai pas voulu l'entendre. J'étais furieuse et bouleversée.

    Quand je me suis levée de table, c'était pour aller faire mes bagages. Je ne voulais plus rien écouter.


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  • Non

    C'est décidé. Je ne bouge pas d'ici.

    Qu'est-ce que je ferais en dehors d'ici alors que je ne sais même pas qui je suis ni d'où je viens? Au moins, tant que mon corps est dans cet état, ils prennent soin de moi. Je n'ai pas de décision à prendre. Je n'ai pas à choisir où aller, où me réfugier.

    Tant que je ne me suis pas retrouvé une vie, je ne veux pas guérir.


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  • C'est ça... Je l'ai confondu. Cet homme, sous l'arbre, j'ai cru qu'il m'attendait. Je conduisais tranquillement, pensant m'éloigner... m'éloigner de ce qui me bouleversait.

    Quand je l'ai aperçu, ça a été comme un mirage. Pendant un court instant, j'ai paniqué. J'ai cru qu'il m'avait suivi. C'était totalement irrationnel et ça n'a pas duré longtemps, mais dans ma confusion, j'ai fait un mouvement brusque qui m'a fait dévier de ma route... et après, je ne sais pas. J'ai dû frapper quelque chose.

    Tout s'est passé si vite. J'ai pensé:«Ça y est, je vais mourir!» Et... plus rien. Je me suis retrouvé ici.

    Cet homme, pourquoi ne m'a-t-il pas secouru?


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  • Ils m'ont mis de la musique. Du classique. Genre Mozart. J'aime pas. J'aimerais mieux être en forêt et entendre le chant des oiseaux.

    Pas de visite aujourd'hui.

    Sauf virtuelles. Merci Cleo, tes interventions me rassurent.

    Je me demande avec qui j'ai pu partir. Et s'il y avait quelqu'un avec moi, où est donc passé cette personne?

    J'étais peut-être seule et j'avais rendez-vous alors. Pourquoi et avec qui? Puisque, apparemment, personne ne semble me connaître ici.

    Ou peut-être que j'ai vu quelqu'un que je ne m'attendais pas à voir?

    Dr Folamour, avec sa voix granuleuse, a commencé à me lire les manchettes des journaux. Il n'a pas besoin, mais c'est gentil.

    Je n'ai pas retenu grand chose.

    Un pianiste fou. Allemand.

    George W. Bush pareil comme d'habitude. C'est le président des État-Unis. Mais ça, je le savais. Ça fait partie des connaissances que je n'ai pas perdues, quel dommage...

    Il y a des inondations quelque part.

    Si je pouvais peindre cet affreux mur blanc en face de moi, j'y dessinerais une rivière, avec des arbres et des oiseaux.

    Et un homme qui m'attend sous un arbre. Il sait quelque chose sur moi.


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