• Il y a au moins un avantage à ne plus se rappeler sa propre vie, et à voir son esprit se détacher du corps.

    Je peux voir un peu partout, sans qu'on me voit, et mon attention n'est plus accaparée par mes tracas quotidiens, ou des détails futiles comme faire attention où je mets les pieds, me demander ce que je vais manger pour souper, ou être obligée d'aller mettre de l'essence dans la voiture.

    Ainsi, je peux percevoir des choses qui m'auraient échappées autrement.

    Comme cet homme qui cherche à se faire connaître en écrivant son nom partout. À la craie sur le trottoir quand personne ne regarde. Sur le mur, avec de la peinture rouge. Sur le comptoir de sa cuisine avec des lettres découpées dans les journaux.

    Est-t-il fou? Sait-il que je le regarde? Et s'il est conscient de son obsession, est-ce que ça fait de lui moins un fou qu'un assoiffé?

    Vais-je rester dans ce coma encore longtemps? Je ne sais plus à quel monde j'appartiens.


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  • J'ai la tête farcie des mots de d'autres.

    Pourquoi?

    «Mais les hommes ont besoin des hommes, même de ceux qui sont morts. J'ai besoin des hommes. Je rédige cette chronique pour les hommes comme ils écrivent des lettres à leur fiancée. Je leur écris parce que je ne peux pas leur parler, parce que j'ai peur de m'approcher d'eux pour leur parler. Près d'eux je suffoque, j'ai le vertige des gouffres.»
    Réjean Ducharme

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  • J'ai mal. Une douleur qui vient de loin et que je ne peux pas nommer. C'est pire que de se rappeler.

    Je vois. J'entends. Je regarde mon corps sur le lit d'hôpital et, de temps en temps, je vois la ville, et les gens dans les rues. C'est très curieux. On dirait que je flotte au-dessus des choses et des êtres. Comme si mon corps ne m'appartenait plus.

    Et pourtant je suis là. Je suis Élia. Je le redis souvent mais mes mots sont prisonniers. Je voudrais qu'on puisse m'entendre. Je suis Élia. Je suis Élia. Je suis Élia. Je vous vois, je vous entends et je suis Élia.

    J'ai mal. Pourtant, j'éprouve une certaine douceur à voir le Monde. Mais le Monde se complique. Je le vois mieux qu'avant, mais lui ne m'entend pas et je ne le comprends pas. Ou plutôt, c'est comme si j'en ressentais le sens, mais sans pouvoir l'organiser, le structurer. Est-ce que c'est possible? D'où je suis, on dirait bien que l'impossible n'existe pas, de toute façon. Je ne connais plus rien. Je suis même très étonnée de pouvoir générer ces lettres et ces phrases, et je ressens un grand soulagement à le faire.

    Puis il y a la femme que j'ai vue. Une femme aux mains rouges. À la lueur du feu, elle peignait. Avec ses mains comme pinceaux. Elle ne pleurait pas mais je savais que son corps suintait de mauvais présages.

    Elle tournait le dos à l'enfant, étendu près du feu, immobile, et il ne fallait pas l'Oeil du Faucon pour s'apercevoir qu'il ne dormait pas et ne dormirait plus.






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  • Il me dit:

    «Après toi, je n'aimerai plus jamais aucune femme.»

    Et moi, je me dis qu'après lui, je ne survivrai pas.



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